Le taux d’abstention aux récentes élections régionales et départementales en France a une fois encore montré que les élections ne suffisent plus. Les citoyens veulent s’impliquer dans les décisions collectives, mais sous d’autres formes, plus délibératives et plus concrètes.

Les assemblées citoyennes permettent des prises de décisions plus équitables et mieux acceptées, notamment sur des sujets complexes comme l’écologie, l’aménagement urbain ou la mobilité. Et les outils numériques leur donnent une impulsion nouvelle !

Les assemblées citoyennes

Les assemblées citoyennes sont aussi anciennes que la démocratie elle-même. Dans la Grèce Antique, des citoyens tirés au sort étaient en charge de voter les lois, d’élire les stratèges et de distribuer les budgets de la ville. La démocratie indirecte, avec des représentants élus, a peu à peu remplacé ce mode de démocratie délibérative. Mais, face à la crise actuelle que traversent nos systèmes politiques, on observe un regain d’intérêt pour ces assemblées ou conventions citoyennes, aussi bien au niveau national que local. 

Une assemblée citoyenne est un groupe de citoyens, constitué le plus souvent par tirage au sort après candidature, pour délibérer sur une thématique spécifique. Le but est de faire appel à un échantillon représentatif de citoyens, qui va proposer des solutions à une problématique, et ainsi favoriser une prise de décision plus juste et mieux acceptée par l’ensemble de la population concernée. Différentes méthodes permettent la formation et l’information de ces citoyens (enquêtes, rencontre avec des experts, etc.), pour alimenter leurs débats et documenter leurs propositions. Ces propositions sont ensuite soumises aux élus, mais parfois aussi au grand public et peuvent aller jusqu’à devenir des lois. 

Nous avons tous entendu parler de la Convention Citoyenne pour le Climat, assemblée citoyenne nationale organisée en France en 2019-2020, pour faire des propositions concrètes pour réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre du pays d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans un soucis de justice sociale. Nous avions détaillé plusieurs exemples nationaux dans notre article sur Les assemblées citoyennes peuvent-elles changer nos démocraties ?

À un niveau plus local, on peut prendre l’exemple du SMICVAL du Libournais Haute-Gironde, regroupant 138 communes de Gironde et 200 000 habitants. Ce syndicat mixte assure une mission de service public de collecte et de valorisation des déchets. Dans le cadre de sa nouvelle stratégie Zéro déchets et zéro gaspillage, et en partenariat avec l’association Démocratie Ouverte, il a mis en place plusieurs panels citoyens pour réfléchir à trois thématiques : la réduction des déchets, la gestion des déchets verts et la collecte des déchets de demain. La plateforme en ligne “SMICVAL Citoyen” permet d’expliquer en détail le fonctionnement de ces assemblées citoyennes et de partager à tous des informations sur l’avancée des projets.

La platerofrme SMICVAL Citoyen permet de communiquer sur le panel citoyen et ses avancées. 

Les clés de la réussite

Quel que soit son périmètre d’action, une assemblée citoyenne vise à rétablir la confiance dans le processus politique, en permettant aux citoyens de s’approprier directement la prise de décision. Mais cela requiert une certaine organisation, pour s’assurer de la bonne représentativité du groupe, de la pertinence et de l’impact réel de leurs propositions. Dans un webinaire que nous avons organisé avec Loïc Blondiaux et Cyrille Poy, les deux experts partagent les conditions de la réussite de telles assemblées. 

La qualité de l’échantillon, c’est-à-dire la diversité des citoyens sélectionnés est un premier critère clé. Une assemblée citoyenne ne peut pas compter que des individus volontaires et déjà intéressés par le sujet, au risque de perdre sa représentativité. L’indemnisation des participants est souvent nécessaire pour éviter de restreindre le dispositif à ceux qui en ont le temps et les moyens. À Bois-Guillaume en Normandie, une Convention citoyenne sur l’urbanisme a été lancée, pour rédiger la charte de l’urbanisme de la commune. Près de 180 habitants se sont portés candidats parmi lesquels 16 titulaires et 16 suppléants à parité ont été tirés au sort.

La transparence et l’intégrité du cadre et du processus sont également indispensables au bon fonctionnement d’une assemblée citoyenne. Le processus de sélection, puis de formation des citoyens, mais aussi l’impartialité du comité qui encadre le groupe doivent être assurés. Une bonne communication tout au long du processus est nécessaire pour l’acceptation des décisions. La mairie de Newham à Londres a mis en place différentes assemblées citoyennes, sous forme de groupes de travail sur des thématiques diverses. Un système de boîte à idées et de vote permet au reste de la population de participer à chaque étape, en faisant des suggestions et des retours sur les propositions des groupes de travail. 

La ville d’Orsay a également utilisé sa plateforme participative pour lancer une Commission citoyenne habitat-logement. La commission est constituée de 6 citoyens orcéens portés volontaires, de 3 élus municipaux, d’un agent municipal et d’un représentant d’une association locale spécialisée sur la thématique du logement. Le détail de chaque séance de travail est mis en ligne pour partager l’information aux habitants d’Orsay et les prochaines étapes de délibération. 

La commission citoyenne a son espace sur la plateforme de démocratie participative de la ville d’Orsay. 
Les 5 phases, leurs objectifs et leurs déroulés sont à la disposition de tous. 

Enfin, la possibilité d’influence des citoyens sur les décisions doit être réelle, et, pour ce faire, le groupe doit disposer du temps et des moyens nécessaires, mais aussi d’étapes claires quant à la mise en application de leurs propositions. Que ce soit la soumission d’un projet de loi à l’Assemblée Nationale, un référendum public, l’évaluation par un comité d’experts, un vote en ligne ouvert à tous… La finalité du travail des citoyens doit être transparente et concrète pour mobiliser et éviter les déceptions. 

L’apport du numérique


Les plateformes de démocratie participative comme CitizenLab permettent aux assemblées citoyennes de toucher un public plus large, non seulement pour recruter des volontaires, mais aussi pour communiquer sur les décisions. Les outils numériques mis à disposition sont complémentaires des réunions physiques qui structurent ces assemblées. D’une part, elles offrent aux assemblées un espace de travail pour partager des documents, organiser des ateliers, définir les étapes, faciliter les échanges, etc. D’autre part, après la délibération en petit groupe représentatif, les plateformes permettent d’élargir le dialogue, de poursuivre les débats et d’informer un maximum de citoyens des projets en cours. 

Ainsi, les collectivités impulsent une nouvelle dynamique dans la démocratie locale, et contribuent à renforcer la confiance et le dialogue entre élus et citoyens. À l’heure des réseaux sociaux, il n’est pas étonnant que les citoyens soient en demande d’outils et de formats innovants pour s’exprimer et participer à la vie de leur commune.