Malgré le contexte sanitaire difficile, la participation citoyenne connaît une révolution. Afin de maintenir le dialogue avec les habitants, de plus en plus de collectivités locales se lancent dans la délibération en ligne. Malgré son attractivité, ce nouveau format n’est cependant pas sans difficultés : il s’agit de maintenir un rythme dynamique, de gagner la confiance des participant.e.s, de modérer des discussions…
Au cours de notre dernier webinaire interactif, Julien Boulanger (conseiller municipal de Ville-d’Avray), Stéphanie Baumann et Benjamin Gratton (experts en animation chez La Boétie Partners) ont partagé leurs expériences et bonnes pratiques pour l’animation des conversations à distance. Voici leurs conseils pratiques à destination des collectivités locales !
1. La volonté de participation doit venir d’en haut.
Comme l’explique Julien Boulanger, conseiller municipal de la Ville-d’Avray qui anime les réunions publiques en ligne de Ville-d’Avray, la participation numérique implique “un vrai changement de gouvernance”. La participation modifie en effet le fonctionnement des élus et de l’administration : il s’agit de passer d’un mode en silo à un mode ouvert, agile et collaboratif. Ce changement profond ne se fait pas sans heurts, et il n’est possible que si l’initiative de participation est soutenue au plus haut niveau de l’administration. Autrement dit, dans les mots de Julien Boulanger, “si le maire n’est pas convaincu, le projet ne marche pas”.
Dans le cas de Ville-d’Avray, le dialogue citoyen s’est mise en place par étapes. Le besoin d’une consultation régulière a été ressenti par la Maire dès le lendemain des municipales, en pleine crise sanitaire. Les premières sessions de dialogue avaient pour but de partager des informations avec les citoyens de façon descendante. Petit à petit, le format a évolué pour intégrer en décembre 2020 des outils numériques comme CitizenLab permettant la discussion thématique et encourageant une conversation continue entre les élu.e.s et les habitants. La plateforme ‘Demain, Ville-d’Avray’ était née.
2. Préparation, préparation, préparation !
Le format numérique est encore relativement nouveau pour les communes comme pour les participant.e.s, et l’animation des conversations en ligne nécessite une solide préparation. Stéphanie Baumann, experte en animation chez La Boétie Partners, rappelle ainsi que l’accompagnement technique est clef : pour que les échanges en ligne soient fluides, il est nécessaire de prévoir une personne pour modérer les échanges, et une personne en ‘régie’ pour l’aspect technique de la session (préparer les salles, faire entrer les candidats, lire les questions posées dans le chat…).
Bien sûr, la préparation ne passe pas que par la technique. Comme le rappellent Stéphanie Baumann et Benjamin Gratton, il est important de bien planifier les sessions, d’optimiser le format quand c’est nécessaire et surtout de préparer les questions difficiles qui pourront être posées par les participant.e.s. Les collectivités locales qui se lancent dans les discussions en ligne avec leurs citoyens ressentent toujours un peu de peur, voir d’appréhension – la préparation et l’accompagnement par des experts (comme le propose La Boétie Partners) permettent de rassurer les modérateurs et d’apaiser le débat.
3. Définir un cadre clair
Comme dans toutes les réunions publiques, il est important de créer un climat de confiance où les participant.e.s se sentent à l’aise. Pour cela, Benjamin Gratton conseille de définir un cadre clair pour la session et de partager des consignes sur l’écoute et le respect des autres. Lors des sessions qu’ils aident à animer, La Boétie Partners conseille ainsi de “chercher les bonnes raisons” qui amènent un propos (c’est à dire, de développer de l’empathie et d’essayer de comprendre le point de vue des autres participant.e.s) ou encore de “penser à écouter pour apprendre” (donc d’écouter les autres non pas dans l’optique de leur répondre, mais dans l’optique des les comprendre).
Les premières réunions en ligne organisées à Ville-d’Avray ont été très formatrices, et ont aidé à structurer la participation sur le long terme. Les lignes de conduite claire sur le dialogue et le respect des autres ont été partagées dès le début, ce qui a aidé à fluidifier les conversations et à avoir un dialogue très constructif avec l’opposition, présente aux sessions. Comme l’explique Benjamin Gratton, le collectif a tendance à s’auto-réguler, et les petits groupes de parole peuvent ainsi être raisonnables et productifs.
4. Penser à l’inclusion
L’inclusion est l’un des défis majeurs de la participation en ligne. Il s’agit de faire en sorte que les participant.e.s se sentent en confiance lors de la session, mais également de s’assurer que la session soit ouverte et accessible à tou.te.s !
En amont de la session, deux éléments majeurs sont à retenir : le choix de l’outil, et la communication.Ville-d’Avray explique ainsi avoir choisi CitizenLab en grande partie pour la facilité d’utilisation de l’outil. L’ergonomie intuitive a été pensée pour rendre la navigation la plus simple possible, aidant ainsi à surmonter en partie la fracture numérique. Pour les villes qui ne disposent pas d’outils dédiés à la participation en ligne, il est conseillé de communiquer un numéro de téléphone en parallèle du lien de la réunion – l’appel téléphonique est en effet plébiscité par certain.e.s habitant.e.s, notamment chez les populations les plus âgées. La campagne doit prendre en compte les différents publics, et varier les canaux de communication afin de toucher une audience large et variée. (Pour plus d’informations à ce sujet, n’hésitez pas à télécharger notre guide de la communication).
Au cours des discussions, une multitude de petits gestes pratiques peuvent aider à cultiver un climat de bienveillance et d’inclusion. Lors des sessions qu’il modère, Benjamin Gratton commence ainsi par proposer aux participant.e.s de discuter deux par deux pendant quelques minutes, afin d’apprendre à se connaître et d’établir des objectifs communs. Tout au long de la discussion, l’utilisation de sondages interactifs permet également d’ancrer les attentes du collectif et de légitimer les décisions qui émanent de la session.
5. Créer un rythme
Pour créer une session engageante et s’assurer l’attention des participant.e.s du début à la fin, les experts de La Boétie sont formels : il faut créer un rythme. Benjamin Gratton propose de prévoir des petits temps d’échange entre les participants en groupes de 2, 3 ou 4 pour se présenter, échanger sur les objectifs ou encore partager ce que l’on a retenu de la session. Il préconise également l’usage d’outils interactifs comme les sondages, les votes ou les réactions pour mobiliser les participant.e.s et en faire des acteurs à part entière de la session. Pour Stéphanie Baumann, le rythme engageant passe également par les délais de parole : il est important de favoriser les interventions courtes, de limiter les présentations à 20 minutes et surtout de respecter le timing de la réunion (et de donc de ne pas finir en retard ! ).
Récapitulatif :
- La préparation : préparez les aspects techniques de la réunion (petites salles, sondages, entrée des participants) tout comme les réponses aux questions que vous pensez recevoir. Une réunion bien préparée sera plus fluide et plus apaisée.
- L’interactivité : limitez les temps de présentation, donnez la parole au public, organisez des moments de dialogue entre les participants et n’hésitez pas à utiliser des outils interactifs (vote, sondage…) pour engager les participant.e.s.
- L’inclusion : choisissez un outil simple à utiliser, et prévoyez un mode d’accès téléphonique si c’est possible. Lors de la session, partagez des règles claires sur l’écoute et le respect. L’inclusion passe également par la prise de parole des participant.e.s et leur participation active à la session. Enfin, faites confiance aux participants !